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Mort à Venise
--> Crépuscule lagunaire

Le roman éponyme de Thomas Mann "Tod im Venedig" inspiré de la mort du compositeur Gustav Malher (dont la musique scande ce film) reste ce petit joyau d'intelligence, de finesse, de psychologie et d'élégance un peu décalée.

L'adaptation qu'en fit un Luchino Visconti déjà sexagénaire demeure une référence dans l'histoire du cinéma. L'atmosphère crépusculaire qui enrobe l'ensemble du film laisse certes un sentiment de relatif malaise. Tout pue la mort dans cette Venise lagunaire et décimée. Et tout irradie la vie. Comme si la danse étonnante de la vie et de la mort qui traverse l'histoire dessinait une trame contrastée et pour cela même si suggestive. La menace continue qui pèse sur l'existence la rend d'autant plus intense et brûlante. L'expérience fulgurante de la beauté évoquée par Platon dans son "Phèdre", un texte philosophique qui hantait Thomas Mann, constitue d'une certaine façon un arrachement à la vie. On pourrait parler d'une sorte d'extase. Je me permets de citer une expression célèbre : "voir Naples et mourir". C'est en l'ancienne cité des Doges, où Casanova fut emprisonné; que le Professeur d'Aschenbach fait cette expérience bouleversante d'un coup de foudre. L'homme déjà âgé ne rencontre pas seulement le jeune Tadzio. C'est presque, dans le sens de Platon, la beauté en personne qui fit irruption dans sa vie et réveille le désir.

A mon sens, le thème de l'homosexualité n'est que second dans l'oeuvre de Thomas Mann (même s'il affleure en permanence, d'autant plus que l'écrivain avance masqué). Mann, en effet, travaillé par un tel désir, l'assumait difficilement. Il reprochait d'ailleurs sa franchise à son fils Klaus, lui même habité par un semblable désir. Visconti avait couché quant à lui avec une pléiade d'acteurs talentueux. En particulier Helmut Berger qui incarna Louis II de Bavière (voir l'article) . Lors de l'enterrement de Visconti à Rome, en 1976, Berger fendit la foule en s'écriant : "laissez-moi passer je suis la veuve".

Le professeur est interprété avec la classe féline qu'on lui connait par Sir Dirk Bogarde. Ce dernier accepta d'être grimé en vieillard. C'est la nuit que le jour est beau. La vieillesse n'est pas seulement l'âge du déclin, ou du naufrage. L'éclat des nostalgies perdues et des désirs toujours renaissants donne à l'automne cette couleur de feu et de sang. Le vieux professeur se fait teindre les cheveux pour retrouver une jeunesse perdue. Illusion d'une naissance. retrouvée. Nicodème est enterré. Qui tracera pourtant le cadastre mental au-delà du bien et du mal, de la mort et de la vie, du légitime et de l'insensé? Venise sera engloutie par la lagune. Le seul espoir est de durer un peu, ou d'obtenir un dernier délai ou peut-être, comme le demandait le Professeur Faust sous la plume de Goethe, de convaincre l'instant de s'arrêter un peu : "arrête-toi, instant, car tu es si beau".

Thomas Mann Thomas Mann

La perfection académique et l'équilibre des sentiments semblent en effet échouer à traduire le sublime. Je cite Thomas Mann : " vois-tu maintenant qu'en étant poètes, nous ne pouvons être ni sages, ni dignes? Qu'il nous fait necessairement errer, nécessairement être dissolus, et demeurer des aventuriers du sentiment? La maîtrise de notre style est mensonge et duperie : notre gloire, les honneurs qu'on nous rend, une farce (...) L'abîme nous le remercions volontiers pour nous rendre dignes. Mais où que nous nous tournions, il nous attire".

dominivi

Ecrit par dominivi, le Mardi 2 Janvier 2007, 21:45 dans la rubrique Actualités.


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