mnémociné

J'avoue avoir été sous le charme de cette ambiance de collège anglais de province : l'herbe y est verte, le blazer de rigueur, mais sous les pavés séculaires une plage de désir tend à naître. Sous le masque douloureux et agréable à la fois de la nostalgie, de la peur de cueillir le fruit, seulement saisi furtivement au hasard des chemins (ceux qui ont vu le film saisiront pour leur part l'allusion), les variations des attentes et des regrets font entendre une douce mélodie.

Les personnages sont intéressants et attachants : en particulier le cher Oscar, professeur cultivé et rêveur, désordonné, sujet aux digressions en ses cours, et qui, à de rares moments, se laisse aller à des plaisirs défendus. Il y a quelque chose de très pathétique dans une telle existence marquée au sceau de la frustration, même si d'une certaine façon le pédagogue aimant y trouve pourtant un certain épanouissement. Oscar est marié à une femme sans doute improbable. Il n'a pas accompli la carrière intellectuelle et universitaire que son intelligence fine et pénétrante aurait pu laisser augurer. Son jeune collègue, Irwin, à la fois méthodique et hypersensible, provocateur intimidé et pédagogue adroit, porte quelque part en filigrane la trace d'une même blessure secrète, qui affleure pourtant à la surface. Deux des jeunes "fellows" sont particulièrement attirants et séduisants : Posner et Dakin. 

Le premier - joué par Samuel Barnett -, garçon sensible qui deviendra lui aussi enseignant chante et déclame admirablement bien : séraphin tombé des cieux. Le second, incarné par Dominic Cooper, plus assuré de prime abord, séducteur magnifique, au regard fort, à la coupe de cheveux dégageant sensualité et puissance. Le charme irrésistible qu'il exerce obsède son condisciple...et le jeune professeur. On se projette volontiers en rêve à la place de ce dernier : surtout lorsque Dakin, pour le récompenser des cours dispensés lui promet une récompense que je vous laisse imaginer.

L'un des aspects du film mérite une attention particulière : la condition homosexuelle de ces enseignants, sans doute dans une large mesure à l'origine de leur vocation, est en fait vécue à la fois comme une souffrance de désirer l'impossible et l'interdit, et comme un enchantement fécond. Comme si la frustation aiguisait le désir et lui permettait de nouvelles envolées. Même si le prix à payer est lourd : sa propre vie?

History Boys, un film de Nicholas Hitner, avec Dominic Cooper, Samuel Bartnett, Stephen Campbell Moore, Richard Griffiths...