mnémociné
La destinée tragique du roi Louis II de Bavière inspire les poètes et les historiens. Doté d'une sensibilité extrême, ce roi, longtemps très populaire, fut un grand protecteurs des arts (son enthousiasme pour Wagner est connu) et un grand bâtisseur (on lui doit de somptueux châteaux). Cet archange de lumière finit en vieil obèse masturbateur honteux, bouffi et névrosé, noyé avec son médecin dans les eaux du lac de Berg en 1886, déchu de son pouvoir après une longue période de confusion mentale.
Helmut Berger
Helmut Berger remarqué par Luchino Visconti pour sa beauté trouble et troublante, ne fut jamais aussi séduisant que dans ce film. Son charme inquiétant illumine comme en écho celui de Romy Schneider qui campe une "Sissy" (impératrice Elisabeth d'Autriche) plus authentique que nature. L'amitié qui unissait ces deux êtres tenait peut-être aussi à une fêlure secrète de ces deux coeurs.
Un érotisme somptueux et discret baigne l'ensemble du film. Je pense à cette scène où le roi tourmenté ne peut s'empêcher d'être grisé à la vue de l'anatomie d'un jeune soldat nu s'essuyant au sortir de l'eau.
Le tourment intérieur de Ludwig, écrasé par les conseils fort malheureux d'un confesseur interprète zélé d'un ordre répressif très destructeur...et opportun pour la famille et ses intérêts (excellent Gert Froebe) se traduit pas une atmosphère pesante, constamment rendue par le talent de Visconti. De même que la déchéance progressive de l'archange déchu.
Comme toujours chez Visconti, les plans sont somptueux et la caméra ose s'y attarder. Les décors et les cadres naturels comptent presque autant que les personnages. Danses et mélodies nous entraînent en un festival de beauté parfois triste (dans le "Guépard" la scène du bal dure quarante-six minutes). . Nous sommes loin d'un zapping fébrile, illusoire refuge face à nos lassitudes. On ne s'ennuie jamais dans les films de Visconti. En effet, le rythme lent se double d'une permanente densité esthétique du tableau qui s'offre à nous. Le désir rode. Il se fait menaçant, parfois destructeur ou crépusculaire. Il relie néanmoins comme une trame dissimulée l'ensemble des scènes et des silences, au travers des émois et des effondrements.
Luchino Visconti, aristocrate communiste, nous adresse également un message qui se veut une critique sociale, un regard désabusé sur les intrigues politiques. Très éloigné des considérations économiques, dépourvu de tout sens de l'épargne, Louis II de Bavière avait-il encore sa place en un siècle d'industrialisation et de domination des forces de l'argent? Son âme chevaleresque et romantique le condamnait. De plus, le rouleau compresseur de l'unité de l'Allemagne, mise en oeuvre par Bismarck, ne pouvait tenir compte de le fleur fragile au bord du chemin.
L'existence toute entière de Louis trace un chemin vers un Calvaire intérieur. Un long suicide programmé. Un albatros que des ailes de géant empêchaient de voler. A la fin de sa vie, Ludwig éprouvait de la jouissance à la vue de la souffrance des autres. En fait, on ne détruit jamais que ce que l'on aime : que ceux qu'on aime. A commencer par soi-même.
"Ludwig ou le crépuscule des dieux". Un film de Luchino VISCONTI (1972). Avec Helmut BERGER, Romy SCHNEIDER, Trevor HOWARD, Silvana MANGANO, Gert FROEBE, Helmut GRIEM, John MOULDER-BROWN, Umberto ORSINI, Folker BOHNET, Heinz MOOG, Marc POREL, Mark BURNS, Maurizio BONUGLIA.
Version XML - Cette page est peut-être encore valide XHTML1.1 et CSS sans tableaux.